Parlons éthique #1 : La cryptomonnaie et ses enjeux
Compte-rendu du débat
Bonjour !
Nous avons tenu un débat autour des enjeux de la cryptomonnaie, et plus spécifiquement autour de la Monnaie Libre, suite à la conférence de leurs contributeurs le 13 novembre à l’école 42.
Le débat était à cercle restreint et a réuni environ 19 personnes autour de cette thématique.
Nous étions partis dans l’idée de faire tourner le débat autour de problématiques imposées mais finalement, les participant·es ont su donner une direction à ce débat sans notre intervention.
🔗Crédits
Brume s’est occupée de la prise de notes et de l’écriture du compte-rendu.
Hugo Trentesaux et Elois y ont apporté quelques corrections par la suite.
🔗Ressources
Suite à leur intervention, les contributeurs nous ont transmis quelques ressources afin d’approfondir le sujet.
Le site de référence proposant de nombreux liens pour approfondir les sujets de son choix : https://monnaie-libre.fr
Article évoqués par Hugo Trentesaux :
- Motivations pour la monnaie libre : https://blog.trentesaux.fr/monnaie-libre/
- Reformulation de la TRM : https://blog.trentesaux.fr/monnaie-democratique/
Diverses plateformes d’échange :
Contacter les intervenants :
- Hugo Trentesaux : https://trentesaux.fr/
- Attilax : https://forum.monnaie-libre.fr/u/attilax/
- Daniel : https://forum.monnaie-libre.fr/u/nox
- Elois : https://librelois.fr/
- Adrien : https://forum.monnaie-libre.fr/u/paulart
🔗Compte-rendu
Retrouvez ci-dessous un condensé des questions et réponses abordées durant le débat.
Q: Vous avez parlé de l’aspect écologique de la Ğ1, mais je ne comprends pas ce qui m’empêche d’utiliser une machine super puissante ?
C’est le facteur d’exclusion de l’algorithme de difficulté personnalisée qui empêche d’utiliser une machine super puissante : plus une machine trouve de blocs, et plus il lui est difficile d’en trouver de nouveau.
Nous aimerions bien remplacer la preuve de travail par un autre mécanisme de consensus, mais un réseau décentralisé est nécessairement incomplet et incohérent, donc c’est très compliqué d’avoir un mécanisme de consensus efficace dans un réseau réellement décentralisé. Beaucoup de cryptomonnaies résolvent ce problème via des réseaux faussement décentralisés avec une liste de “master nodes”. Aujourd’hui, la PoW est le seul mécanisme de consensus qui soit neutre économiquement, et éprouvé sur un réseau réellement décentralisé.
Il y a beaucoup de problèmes autour des mécanismes de consensus. Ces problèmes sont très étudiés, on parle d’algorithmie distribuée, ou d’algorithmie répartie (cf le cours de Rachid Guerraoui au Collège de France). Les GAFAM – et tout particulièrement Amazon – travaillent beaucoup sur le sujet (un exemple concret : les bases de données distribuées). L’idéal serait de tirer au sort quel noeud “a le droit” d’ajouter le prochain bloc, et la meilleure façon dont on dispose aujourd’hui de faire quelque chose qui s’en approche est la preuve de travail. Nous l’avons adaptée de telle sorte qu’une machine super puissante ne soit pas avantagée. Cela n’encourage pas la course à la puissance, mais vous êtes toujours libres de gaspiller de l’électricité !
Q: Combien y a-t-il de transactions par bloc ?
Il y a au maximum 10% de lignes de transactions de plus que dans le bloc précédent (le 1er bloc étant limité à 500 lignes). Cela permet de garder une constante, mais qui peut augmenter au fur et à mesure. On considère que s’il y a trop d’utilisateurs, et donc trop d’interactions, il serait tout à fait envisageable, et même souhaitable, de séparer la Ğ1 en plusieurs monnaies libres. En effet, le fait qu’il y ait trop d’utilisateurs cause différents problèmes, comme par exemple la toile de confiance qui serait trop étirée.
Si des utilisateurs se trouvaient sur tous les continents, il serait très difficile de se trouver à 5 pas de 80% des membres référents. On pourrait imaginer que ces monnaies libres se différencieraient par leur taux “c” : la constante qui permet de calculer le dividende universel (DU). Actuellement, ce taux est basé sur de nombreux paramètres, comme l’espérance de vie. La valeur du taux “c” est un choix politique à part entière, puisqu’il influence sur la quantité d’argent gagné chaque jour par chaque membre.
Q: Est-ce que des achats/ventes illicites (drogue, sexe, armes…) deviennent légales en Ğ1 ? Que dit la loi dans ce cas ?
La loi est floue au niveau de tout ce qui touche aux cryptomonnaies (trop récentes). Officiellement, la Ğ1 est considérée comme du troc par l’État. En conséquence de cause, est-ce que le troc de produits illicites est légal ? Pas de réelle réponse à ce sujet, les juges doivent agir au cas par cas. En soi, la définition du mot “achat” ne change pas, quelque soit le référentiel de monnaie utilisé. Par exemple, je peux acheter du pain en euros, mais pour le boulanger, ça sera acheter des euros en pains. Ça revient au même. (Ou encore… acheter des tractopelles en bananes / acheter des bananes en tractopelle).
Donc, si c’est un achat/une vente illégale, on peut considérer qu’il reste illégal en Ğ1, comme il l’est en euros. Enfin, les membres de la Ğ1 ne sont pas incités à faire des actions illégales, puisqu’ils sont sur une toile de confiance. S’ils le faisaient, ils perdraient la confiance de leurs contacts.
Q: Avez-vous déjà refusé de certifier quelqu’un ?
Cela arrive, lorsqu’on ne connaît pas la personne. On considère qu’il faut l’avoir rencontrée physiquement, idéalement l’avoir vue plusieurs fois… En revanche, une fois que l’on connaît la personne et que l’on peut avoir confiance en elle, il n’y a aucune raison de refuser.
La seule raison valable de refuser de certifier quelqu’un est l’obligation de respecter la licence Ğ1.
Q: Comment peut-on devenir membre ?
Il faut rencontrer des membres, afin d’obtenir ses 5 certifications. Pour cela, on peut voir le forum, faire plusieurs rencontres avant de se faire certifier… Il est conseillé de tester la Ğ1 avant de devenir membre. Tout est possible : acheter, vendre, … Il n’est juste pas possible d’avoir le DU, de certifier des gens et d’écrire des blocs. Tester permet donc de savoir si la monnaie est adaptée à nos besoins, avant de réellement devenir membre.
Q: Est-il possible d’acheter des Ğ1 en euros ?
Oui, du moment qu’il y a une personne prête à acheter, c’est possible, comme avec toute autre monnaie. C’est faisable dans les deux sens. On pourrait également imaginer des places de change automatiques avec d’autres cryptomonnaies.
Q: Que se passe-t-il (techniquement parlant) lorsque il y a une transaction ?
Cela dépend des clients utilisés. Le client utilisé envoie un “document transaction” à un ou plusieurs nœud(s). Ceux-ci stockent la transaction en mémoire puis la relayent à tous les nœuds auxquels ils sont connectés, la transaction se propage ainsi dans le réseau.
Il faut alors attendre que l’un des nœuds ayant reçu la transaction trouve un bloc pour que cette dernière se retrouve dans la blockchain.
Q: Avez-vous déjà essayé d’autres monnaies alternatives ?
La réponse varie selon les intervenants. Soit non, soit oui, des monnaies locales. Cependant, trop de choses n’allaient pas comparé à la Ğ1 : une monnaie locale a une délimitation géographique ce qui fait d’elle une sorte d’euro captif, à usage limité. Elle n’a donc pas plus d’intérêt qu’un ticket restaurant.
Attilax, par exemple, n’avait aucun rapport à l’économie avant de découvrir la Ğ1. Il l’a découvert par hasard. Cette monnaie lui a tout de suite plus, car d’une part ses idéaux rejoignent les siens (libriste), elle est simple à comprendre, et enfin, il a compris grâce à elle que « pour changer le monde, il est nécessaire de changer de monnaie ».
Q: Comment un capitaliste pourrait-il s’intéresser à la Ğ1 ?
D’une part, les libéraux sont intéressés par l’absence de taxes et la décentralisation de la Ğ1. Ce sont les monnaies actuelles qui conduisent au capitalisme, mais également à la tricherie, à l’envie de gagner plus, l’avarice… Lorsque l’on change de monnaie, on change de règles de jeu. La Ğ1 possède des règles différentes des monnaies actuelles, ce qui change totalement la donne. Au lieu d’être avares, les gens sont beaucoup plus généreux, et ont même tendance à sous-vendre leurs services par exemple. Les relations sont beaucoup plus cordiales.
L’euro va transformer les gens en radins ou voleurs : ce sont les conséquences des dettes, emprunts avec taux d’intérêts qui, s’ils ne sont pas remboursés, nuisent à la société. Cela incite donc les gens à absolument gagner de l’argent, à s’enrichir… Cependant, l’accumulation de monnaie n’est finalement pas propice à l’économie, puisque celle-ci fonctionne grâce à l’achat. Si la majorité des richesses sont détenues par une quantité minime de personnes, les gens ne peuvent plus acheter des biens. L’économie ne marche pas s’il n’y a pas d’acheteurs.
De plus, la Ğ1 est la seule monnaie qui peut passer en décroissance sans problème, puisqu’il n’y a pas de concept de dettes. Pour toute autre monnaie, la décroissance est très péjorative, même synonyme de l’apocalypse. Ainsi, la monnaie libre n’est pas un “problème” pour le capitaliste. C’est un problème pour une personne qui veut s’asseoir sur ses privilèges, qui veut accumuler de l’argent. La Ğ1 n’est donc pas anticapitaliste.
Q: Qu’en est-t-il de la RGPD concernant la blockchain ?
Il y a en effet un problème discutable : si quelqu’un met des données personnelles d’une personne dans un bloc, il n’y a pas de possibilité de le supprimer. Cela pourrait donc causer des ennuis au niveau de la RGPD. Il y a des solutions envisageables pour régler ce problème : stocker un hash du commentaire au lieu du commentaire en lui-même. Or, cela n’est pas encore fait car il n’y a pas encore de consensus parmi les principaux développeurs..
Q: Comment doit-on renouveler les certifications ?
La toile de confiance schématise les relations sociales entre les membres. Il existe deux types de certifications : les certifications externes, qui font rentrer un nouveau membre dans la toile (le futur membre doit obtenir 5 certifications en moins de deux mois), et les certifications internes, qui resserrent la toile : il s’agit de se certifier entre membres. Le fait de se certifier entre membres permet de diminuer la distance entre les gens : une personne que l’on certifie est à 1 pas de nous. En sachant qu’il est nécessaire d’être à moins de 5 pas de 80% des membres référents, réduire la distance permet de pouvoir certifier plus de gens externes à l’avenir.
On pourrait imaginer que 5 réelles personnes qui certifient un faux compte, et que des faux comptes se certifient entre eux. Il s’agirait d’une attaque Sybil. À petite échelle, c’est insignifiant, et à grande échelle, les autres membres vont forcément s’en rendre compte et pourront donc agir à l’encontre de ce genre d’attaque. Elles sont donc peu imaginables. Afin de devenir membre référent, il faut avoir émis et reçu un certains nombre de certifications. Ce nombre est la racine cinquième du nombre de membres. Actuellement, c’est 5, mais il est voué à augmenter.
Enfin, lire la licence de la Ğ1 est obligatoire. Il est donc nécessaire de s’assurer que les personnes que l’on certifie l’ont lue. La confiance envers celui qui a certifié une personne qui ne respecte pas la licence sera bafouée ; les membres n’ont donc pas d’intérêt à certifier de faux comptes.
Q: N’y a-t-il pas une incohérence entre le soin porté à la confiance, et le souhait d’implémenter Tor (projet gMix) ?
Ce n’est pas que l’on veut implémenter Tor, c’est que l’on peut. De plus, il est possible de vouloir avoir ses interactions anonymes ; cela n’a pas de rapport envers la confiance que l’on porte aux membres (la toile de confiance). Il est important de noter que la Ğ1 n’est pas responsable des actes des gens qui l’utilisent à des fins illicites ou malveillants. Ces membres sont sous la loi, comme tout le monde, comme s’ils réalisaient les mêmes actes avec des euros. La Ğ1 n’entre pas en interférence avec cela.
Le débat s’est terminé dans une très bonne ambiance. Un goûter a été organisé par la suite, quelques élèves étaient là pour discuter avec les intervenants.
À bientôt,
N&B