En complémentarité avec notre nouvelle offre de services en cours de conception, nous réalisons également des accompagnements numériques à destination première des associations.
Aujourd’hui, nous vous présentons un premier retour d’expérience d’un parcours d’accompagnement numérique achevé au cours de l’année.
Parmi toutes ces petites nouveautés que nous annonçons, il pourrait être utile de faire le point sur la terminologie que nous utilisons.
Quelle est donc la différence entre les services « à la carte » que nous vous présentions la semaine dernière, et les accompagnements numériques à l’affiche dans notre feuille de route ?
C’est très simple : les services « à la carte » sont juste des logiciels installés sur demande, comme un site WordPress ou un Nextcloud. Ces services sont fournis tels quels, sans formation ni aide à la migration des données, avec seulement notre support technique pour aider en cas de besoin.
C’est l’option parfaite pour un·e geek qui souhaite héberger un site statique et attend juste de nous qu’on lui communique la clé d’un bucket S3, ou une asso débrouillarde qui a besoin d’un Nextcloud, à condition que cette asso :
sache parfaitement ce qu’elle fait ;
connaisse précisément ses besoins techniques, et ne souhaite pas qu’on l’aide à les diagnostiquer ;
n’a pas besoin de formation pour ses membres, ou se débrouille en autonomie pour les former.
Mais dans la plupart des cas, et notamment pour des associations « non technophiles », installer des logiciels libres, c’est bien beau, mais ce n’est pas suffisant : sans formation, la transition vers les outils libres se fait mal, les outils sont parfois utilisés de manière détournée et pas à leur plein potentiel… D’autant plus que les assos ne connaissent pas toujours au préalable les outils libres qui pourraient les aider, et ont parfois besoin d’aide à la prise en main.
Voilà pourquoi nous proposons l’accompagnement numérique : on apporte un soutien sur-mesure vers la migration d’outils libres, en dressant un état des lieux de l’existant. Pour répondre aux besoins identifiés, c’est là que nous proposons les services « à la carte », en suggérant également d’autres hébergeurs éthiques si nous ne pouvons pas répondre à certains besoins avec notre offre de services. L’accompagnement numérique inclut également une formation si besoin, et un suivi sur le long terme.
Les services « à la carte » sont donc une composante de notre accompagnement numérique, mais ne peuvent se suffire à eux-mêmes dans la plupart des cas.
Nous souhaitons fournir ce service en priorité et en majorité à des associations, employeuses ou non.
Cela dit, ces services s’adressent à tout le monde :
aux collectivités qui cherchent à partir de Microsoft ;
aux geeks qui savent se débrouiller techniquement et qui souhaitent nous confier l’hébergement de leurs services ;
aux micro-entrepreneur·euses qui veulent héberger un site web ;
à quelques petites entreprises de quartier…
Quant à nos tarifs solidaires, nous souhaitons également que les associations en bénéficient en priorité, mais sans pour autant discriminer les autres catégories de publics : les micro-entreprises étant souvent des statuts assez précaires, nous n’excluons pas de leur proposer des tarifs solidaires, même si leur structure est par essence à but lucratif.
À l’inverse, une collectivité n’est pas à but lucratif, mais pour autant, nous connaissons leurs moyens financiers (et leurs budgets alloués aux outils de Google, Microsoft et consorts), et nous savons qu’il ne s’agit pas d’une catégorie que l’on peut qualifier de « précaire » ; nous ne prévoyons donc pas de leur proposer des tarifs solidaires.
Une personne qui sait se débrouiller techniquement, qui n’a pas besoin de formalités administratives et qui souhaite simplement un site web grille ainsi un certain nombre d’étapes, et se limite à la prise de contact, l’installation des services et le support.
À l’inverse, pour une asso qui n’est pas à l’aise avec l’informatique, on va sans doute passer par toutes les étapes et rester plus longtemps sur la formation, en présentiel lorsque c’est possible, avec parfois plusieurs séances.
Le Bêta, c’est un tiers-lieu associatif d’expression artistique et culturelle maintenu par l’association Saxifraga depuis 2019, situé à Angoulême. Après y avoir réalisé plusieurs interventions en 2023, nous accompagnons le Bêta vers sa dégooglisation en bêta-testant notre accompagnement numérique. Le Bêta sera notre fil rouge au cours de cet article.
En règle générale, tout commence par un mail sur notre adresse de contact, d’une personne intéressée par des outils éthiques pour son association ou ses besoins personnels. Cette étape incontournable nous sert à plusieurs fins.
Évaluer le niveau de connaissances techniques : de nos échanges, nous réalisons rapidement si la personne en face semble à l’aise sur le plan technique, ou si elle aura besoin d’assistance (que nous lui proposerons dans tous les cas).
Évaluer le besoin d’un diagnostic : la structure ou personne a-t-elle une idée précise de ce qu’elle recherche ? Un diagnostic des pratiques numériques (étape 2) est-il nécessaire ? En général, c’est quelque chose que l’on peut déduire à la demande formulée : « je veux un Nextcloud » se distingue fortement de « je cherche un moyen de partir des outils Google ».
Préciser que nos services ont un coût : on ne peut pas encore discuter de montants concrets sans savoir exactement de quels services la structure a besoin, mais nous précisons assez rapidement que nous facturons l’hébergement des services, pour éviter que la structure se fasse des illusions. Il arrive que notre public confonde « logiciels libres » et « logiciels gratuits », ou qu’il soit habitué à la gratuité de certains autres services connus comme Framapad.
La prise de contact au Bêta
Le Bêta est rapidement devenu un partenaire privilégié pour nous depuis notre arrivée à Angoulême il y a deux ans. En 2023, nous y avons tenu un cycle de quatre activités tout au long de l’année pour sensibiliser au numérique éthique. C’était un sujet qui intéressait déjà le Bêta.
En 2024, quand nous avons entrepris de lancer notre programme d’accompagnement numérique, nous avons donc pensé que le Bêta pourrait nous servir d’expérimentation pour un premier accompagnement. Nous leur en avons parlé, en les prévenant que les délais allaient être longs le temps que nous nous préparions techniquement, et l’idée leur a plu − iels n’étaient pas pressé·es. C’est ainsi que l’accompagnement a commencé.
L’un des déclencheurs qui ont motivé cet accompagnement, c’est la hausse de prix de Wix, leur hébergeur et moteur de site web, qui est passé de 200 € par an à 310 € par an pour héberger un site de quelques pages.
Le diagnostic sert à identifier les besoins de la structure, lorsqu’elle ne sait pas exactement quels outils numériques pourraient l’aider.
Il permet de faire le point sur les outils en cours d’utilisation (parfois éparpillés sur de nombreuses plateformes), de préciser les attentes de la structure vis-à-vis de notre intervention et d’identifier de potentiels nouveaux outils dont elle pourrait avoir besoin.
Après plusieurs échanges de mail et parfois une visio ou une rencontre en présentiel, nous déterminons si la structure a besoin d’un diagnostic ou non. (En général, les particuliers n’ont pas besoin de diagnostic.)
Si c’est le cas, nous lui demandons de renseigner notre diagnostic des pratiques numériques, un petit formulaire qui nous permet de mieux cerner la structure que nous avons en face.
Le diagnostic peut être réalisé par anticipation au cours de la prise de contact, et dans l’idéal en visio ou présentiel pour s’assurer que la personne interprète correctement les questions posées, notamment au niveau des outils. Quelques erreurs courantes :
confondre le rôle d’une newsletter et d’une liste de diffusion ;
confondre le fournisseur de mail (Gmail) avec l’outil utilisé pour les consulter (Thunderbird) ;
confondre le moteur du site web et son hébergeur…
Une fois ce diagnostic renseigné, il nous revient de l’étudier en interne et de revenir auprès de la structure avec une proposition de cahier des charges.
Le Bêta utilisait une panoplie d’outils sur de nombreux sites différents : des Framapads, Framacalcs, Wix, un Google Drive, Gmail, Discord… La structure essayait simplement de faire au mieux avec les moyens techniques existants et leurs connaissances.
Le cahier des charges est un document qui formalise l’étendue de notre intervention et en précise les contours. On y rédige des propositions de logiciels ou services en fonction des besoins formulés dans le diagnostic.
Les propositions que nous formulons nous servent directement à concevoir le devis.
Nous voici à l’étape la plus simple et la plus satisfaisante pour tout·e libriste qui connaît ses alternatives par cœur…
Au-delà des questions purement techniques sur le choix du logiciel à utiliser, il nous faut nous confronter à la dure réalité des choses : parfois, même si la structure y met de sa bonne volonté pour transitionner vers du numérique libre, il arrive qu’elle veuille quand même confortablement accomplir son objet associatif plutôt que de passer la plupart du temps de ses membres à se battre avec des services libres qui ne marchent pas bien ou ne font pas avancer ses objectifs (eh oui, tous les logiciels libres ne sont pas émancipateurs).
Et donc, il nous faut parfois faire des compromis sur nos idéaux libristes pour accompagner du mieux que possible. Si vous venez à réaliser des accompagnements numériques, vous devrez répondre à ce dilemme :
êtes-vous là pour évangéliser le Libre et proposer (voire imposer) à la structure d’utiliser le plus de logiciels libres possible, en bannissant complètement les outils propriétaires, quitte à ce que ça lui mette des bâtons dans les roues ?
ou alors, êtes-vous là pour aider la structure à réaliser son objet social le plus efficacement possible avec des outils numériques, peu importe lesquels ?
En ce qui nous concerne, dans une bonne partie des cas, on recommande des logiciels libres car on estime que nos bénéficiaires ont tout à y gagner en termes d’efficacité, de facilité d’utilisation, d’enjeux autour de la protection de leurs propres données…
Mais il y a des situations dans lesquelles on ne peut pas proposer d’alternative, car ça serait contre-productif pour la structure de changer d’outil (trop de temps de formation, trop de difficultés pour faire le pas, trop de temps perdu pour peu de résultats), ou lorsqu’il n’y a pas d’outil libre vraiment adapté à leur besoin.
Auquel cas, on suggère de rester sur un outil propriétaire à notre grand regret, pour ne pas que l’utilisation d’une alternative libre inadaptée ne devienne un handicap pour la structure.
Retrouvez ici pêle-mêle les « compromis » auxquels nous sommes parvenus pour la recommandation de solutions libres. Il s’agit de partis pris, ils pourraient vous hérisser le poil, mais vous avez le droit de ne pas être d’accord, et nous avons le droit de ne pas être d’accord avec vous non plus.
Pour le site web : pour des structures « non-technophiles », on ne suggèrera (pour le moment) pas d’autres alternatives que WordPress. Tant pis pour les amateur·ices de SPIP.
On peut héberger des sites statiques (Publii, Hugo, Zola…), mais dans la plupart des cas, ça sera du temps perdu pour la structure sur des considérations techniques qu’elle n’a pas le temps de traiter.
Il existe des milliers de tutoriels sur l’utilisation de WordPress sur Internet.
C’est du logiciel libre, c’est utilisé par plus d’un tiers du Web, c’est testé et éprouvé.
Le déploiement est industrialisable grâce à leur système Multisite.
On utilise un plugin pour envoyer le contenu du site sur un bucket S3, ce qui nous en fait un site statique.
On n’a pas le temps d’assurer un support et une maintenance sur 150 CMS différents.
Pour la création de contenus visuels (affiches, logos…) : si les personnes chargées du design sont à l’aise avec les outils Adobe (notamment Illustrator et InDesign), Canva ou Publisher, alors on n’essaye pas de changer leurs habitudes. Nous avons considéré les alternatives suivantes :
Inkscape : le logiciel ne gère pas pleinement le CMJK, le profil de couleurs utilisé pour imprimer, sans dépendre de scripts extérieurs. Sans le support complet de CMJK, il est garanti que tout document édité avec Inkscape sortira d’une imprimante avec les mauvaises couleurs. Pas très pratique pour réaliser des visuels, n’est-ce pas ? C’est sans compter l’UX du logiciel qui est très loin d’être à la hauteur.
Scribus : avec une interface graphique digne des années 2000, le logiciel n’est pas très convaincant pour un public habitué à Adobe.
Krita / GIMP : ces logiciels ne sont pas adaptés pour faire de l’édition d’affiches, car ils ne sont pas conçus pour éditer des formats vectoriels.
Aktivisda : le logiciel est jeune, essentiellement maintenu par une seule personne, et l’ajout de nouveaux contenus pour les illustrations est loin d’être évident.
En bref : elles ont toutes des défauts plus ou moins importants qui les disqualifient face à des solutions éprouvées comme la suite Adobe.
Il faut aussi savoir qu’à Angoulême, la ville de la bande dessinée − là où nous avons réalisé la plupart de nos accompagnements − les personnes qui ont des compétences métier en conception de contenus visuels les tirent de leur cursus scolaire, dans lequel elles apprennent surtout à utiliser la suite Adobe. Difficile de changer des habitudes aussi bien ancrées.
Évidemment, si nous ne pouvons pas toucher à la suite Adobe, cela implique que nous ne pouvons pas migrer leur Windows sur Linux. Le support de la suite Adobe sur Linux est misérable, même dans Wine, et le logiciel est trop gourmand pour tourner de manière fluide dans une machine virtuelle sans avoir un ordinateur de gaming.
On tombe généralement sur deux cas de figure :
La structure met à disposition un ou plusieurs postes (partagés ou individuels) à ses membres, sur lesquels il y a des logiciels installés pêle-mêle et beaucoup de données éparpillées. Même en imaginant que la suite Adobe ne soit pas utilisée, une migration vers Linux reste compliquée car elle nécessite de changer de nombreuses habitudes, de transférer les données, de s’assurer de la compatibilité des logiciels… et ce changement n’est généralement pas prioritaire aux yeux des structures que nous accompagnons.
Les membres de la structure travaillent sur leurs ordinateurs personnels, auquel cas nous n’allons pas leur demander d’installer Linux sur leur matériel ! Nous les inviterons volontiers à l’une de nos install parties, mais si c’est du matériel personnel, il n’est pas envisageable que cela fasse partie du cahier des charges pour l’accompagnement de la structure.
Évidemment, on ne pense pas au dual boot car les dernières versions de Windows le rendent instable (Windows le détecte et se replace en premier dans l’ordre de boot, de manière aléatoire, après une mise à jour ou non), ce qui rendrait la structure dépendante d’une intervention ultérieure de notre part pour réparer le dual boot.
Pour la gestion de crowdfunding, de billetterie, d’adhésions en ligne : jusqu’à présent, quoi qu’on en dise, nous n’avons pas trouvé mieux que HelloAsso pour enregistrer des cotisations, qui reste donc la solution que nous présentons comme le meilleur compromis.
Il n’existe pas d’opérateurs de paiement français aussi facile à prendre en main et avec si peu de frais de gestion, même si HelloAsso n’est pas libre et même si leur manière de solliciter des contributions financières à leur structure laisse à désirer (une case cochée par défaut, un dark pattern en somme).
Ça ne nous empêche pas de suggérer Paheko pour la comptabilité.
Par principe, on ne propose pas une migration vers Mastodon, la plateforme de microblogging libre et décentralisée du Fédiverse, car les structures ont déjà leur public ailleurs (Facebook, Instagram…) et ce public n’existe pas sur Mastodon.
On ne le suggère que pour des structures militantes ou technophiles (qui vont y trouver leur public), mais même dans ces cas-là, cette suggestion n’est généralement pas relevée car cela leur donnerait trop de travail de maintenir une plateforme de réseaux sociaux supplémentaire, alors qu’elles peinent déjà à maintenir leur activité sur les réseaux sociaux classiques.
Nous avons pensé à l’usage de « bridges » ou d’autres outils de republication automatique, mais les outils sont généralement peu fiables (ça casse souvent), et la communication d’une structure n’est pas de la même nature sur Instagram et sur Mastodon, par exemple. Un simple repost du message ne suffit pas pour une communication soignée.
Malheureusement, ce choix entretient un status-quo qui n’est pas souhaitable (l’hégémonie des gros réseaux sociaux pas éthiques, et l’entre-soi libriste et militant sur le Fédiverse). On aimerait bien faire en sorte que ça change, mais ça ne peut pas se faire au détriment des actions principales des structures que nous accompagnons.
En règle générale, on ne recommande pas de solution. D’ici mi-2025, nous mettrons peut-être à disposition la messagerie instantanée Matrix en accès libre sur inscription, mais même une fois que ce service sera en place, il nous sera difficile de le suggérer dans la plupart des cas.
Si la plateforme de discussion sert à fédérer une communauté peu engagée dans le projet de la structure (des sympathisant·es, par exemple), il n’est généralement pas envisageable de leur suggérer une messagerie comme Matrix, car cela nécessiterait aux sympathisant·es d’installer un logiciel supplémentaire rien que pour cette structure, et aurait donc pour impact de diminuer drastiquement leur engagement plutôt que sur une plateforme comme Discord où l’effort est moindre.
Pour une structure qui dispose d’un serveur Discord pour accueillir 200 personnes de son public, combien feront le pas ? Combien créeront un compte sur une autre plateforme, installeront une nouvelle application qui va pomper leur batterie de téléphone, juste pour une structure que la personne souhaiterait suivre de loin ? Sans aucun doute, très peu de monde ; s’il s’agit du moyen de communication principal de la structure, cela revient à la mener à sa perte.
Pour une structure qui utilise un groupe WhatsApp pour communiquer en interne avec 20 personnes, la solution d’une messagerie libre devient un peu plus envisageable mais reste très inaccessible pour la plupart, notamment lorsqu’elle concerne des personnes qui ne sont pas à l’aise avec le numérique, qui ont déjà beaucoup de mal à utiliser WhatsApp et qui ne se voient pas du tout installer une nouvelle application pour communiquer.
La mise en place de passerelles / bridges entre plusieurs messageries serait trop laborieuse et coûteuse en temps pour nous, et les outils à disposition pour cet usage sont encore très peu fiables.
Changer de logiciel implique de réapprendre des habitudes, et si une certaine catégorie de personnes n’a pas le temps, ni l’envie, ni l’aisance de changer d’application, qu’est-ce qu’on fait ? On les laisse sur le bord de la route ? La formation des membres peut aider à faciliter à la transition, mais elle aussi, elle a ses limites.
Et si ces compromis ne vous conviennent pas : faites mieux ! Prêtez-vous à l’exercice d’accompagner une structure non-technophile vers des outils libres, et faites face à vos propres dilemmes. Nous lirons avidement vos retours d’expérience !
Voilà comment nous avons renseigné le cahier des charges avec le Bêta.
Enfin, vous remarquerez que ce cahier des charges se limite à la prestation d’hébergement et ne comprend pas actuellement les autres nécessités de l’accompagnement (formation, support, etc). C’est un point d’amélioration possible.
Si le sujet du prix n’a pas déjà été abordé auparavant, c’est là où l’on rentre dans le détail : en nous basant les propositions de services que nous formulons, nous pouvons proposer différents prix pour la prestation d’hébergement.
C’est là où nous présentons également les alternatives existantes à notre offre.
Si Nextcloud fait partie de nos propositions, on commence par présenter Framaspace, le Nextcloud de Framasoft, gratuit pour 50 comptes utilisateur·ices et 40 Go maximum, uniquement pour les associations et collectifs militants (une bonne partie de notre public). Framasoft fournit gratuitement ce que nous facturerions à 180 € par an (le prix de notre Nextcloud à 40 Go, sans compter la cotisation annuelle), avec globalement les mêmes considérations sur la vie privée.
Ensuite, nous rappelons l’existence des offres d’autres hébergeurs éthiques, chez Le Cloud Girofle, Nubo, Zaclys, Libretic, ReflexLibre et quelques autres que nous citons au cas par cas ; par exemple, on présente l’instance principale de Paheko au cas où notre offre d’hébergement de Paheko ne lui conviendrait pas entièrement. Nous démontrons que nous ne souhaitons pas forcer la main, que notre but n’est pas d’enfermer la structure chez nous.
Nous allons même jusqu’à rappeler l’existence de l’offre de Google Workspace pour les organisations à but non lucratif : la Google Suite gratuite et ses 100 To offerts. Nous expliquons à quel point c’est difficile de formuler une contre-offre payante face à cela, et que nous ne sommes pas en concurrence avec Google car nos services, tout comme notre modèle économique, ne sont pas de la même nature ; que Google fait son commerce sur la revente des données personnelles hébergées, et que c’est à la structure de juger s’il s’agit d’un compromis acceptable ou non.
Nous souhaitons que le choix des alternatives éthiques soit avant tout un choix éclairé. Et en règle générale, les structures savent déjà que cette offre de Google existe, et affirment leur motivation de s’éloigner des géants numériques pour des raisons éthiques. Elles savent pourquoi elles nous contactent : ce n’est pas pour le prix, mais pour contribuer à leur façon à un autre modèle de société.
Ensuite, si l’on estime que la structure pourrait avoir besoin d’aide financière, on explique qu’on ne souhaite pas que le prix soit dissuasif, et qu’on est prêt·es à nous adapter au budget de la structure pour que nos outils leurs soient abordables.
On explique également que c’est comme si nous payions de notre poche la remise proposée. Nous rappelons que nous comptons sur les dons pour que ces prix solidaires que nous proposons ne se répercutent pas sur nos finances.
Une fois l’éventuel tarif solidaire négocié et le devis accepté, nous procédons à la mise en place des services et à l’émission d’une facture.
C’est la partie sur laquelle nous n’allons pas épiloguer, car nous consacrerons une série d’articles entière sur la technique.
S’il y a une chose à dire à ce sujet, c’est qu’il s’agit d’une partie particulièrement chronophage : il nous faut bien une petite demi-journée pour installer un Nextcloud de zéro, avec tous les bons paramètres (jusqu’au jour où nous pourrons automatiser une partie du processus… mais c’est encore complexe et nous sommes en phase d’expérimentation).
À l’issue de cette étape, et de préférence quand la facture est payée, nous donnons les accès vers ces services à la structure. Pour ce faire, nous la contactons en lui demandant de nous fournir une liste de noms, d’adresses e-mail et de droits respectifs pour chaque personne à ajouter à notre SSO, puis nous envoyons un lien d’activation à chaque personne qui leur permet de définir un mot de passe pour leurs comptes individuels.
Si nous avons une personne individuelle en face (un particulier ou une micro-entreprise), la question des accès est naturellement plus simple.
🔗Étape 5 : La formation et la migration des données
Voilà une étape qui peut devenir très chronophage aussi, selon les accompagnements. Pour une partie d’entre eux, elle n’est pas nécessaire car les structures s’estiment suffisamment autonomes pour s’occuper de leurs propres montées en compétence.
La plupart des migrations que nous avons dû effectuer jusqu’à présent sont relativement simples à réaliser.
Migration des fichiers : déplacer des données existantes vers Nextcloud est presque trop facile, il suffit d’upload le dossier contenant tous les fichiers de l’ancien « Drive » de la structure. Il reste à configurer les droits d’accès et les partages, mais Nextcloud est suffisamment intuitif pour que cette opération ne requiert pas notre intervention.
Migration des calendriers : Avec la possibilité d’importer un calendrier sur Nextcloud, et grâce aux formats interopérables des calendriers, cette manipulation ne pose pas de problème ; d’autant plus qu’il est rare qu’une personne ait besoin de migrer des évènements passés, donc l’import n’est pas toujours nécessaire.
Migration des emails : ça, c’est la partie un peu technique. Pour chaque adresse Gmail possédée, l’idéal est de configurer le transfert automatique des emails directement depuis l’interface web de Gmail. Pour les autres adresses, un filtre Sieve installé sur le service mail d’origine pourrait faire l’affaire, si d’autres options plus conventionnelles ne sont pas disponibles.
Migration de la comptabilité : en général, on déconseille de migrer une comptabilité existante et de plutôt attendre la fin de l’exercice comptable avant de faire le transfert, mais Paheko dispose d’outils d’import en cas de besoin.
Migration des mailing lists, des membres : Les outils que nous utilisons supportent l’import d’une liste de membres au format CSV. Les structures accompagnées pourraient avoir besoin d’un coup de main.
Pour les autres données (formulaires, sondages…) : généralement, l’import n’est pas nécessaire car les données sur ces outils sont à usage éphémère.
La phase de formation consiste à permettre aux membres de la structure de s’approprier pleinement des outils proposés et concerne surtout les structures « non-technophiles ». Elle peut également servir de temps complémentaire pour configurer les outils avec les personnes concernées, notamment à des fins de migration. Elle peut avoir lieu en présentiel comme en distanciel, mais rarement en différé (une formation n’est pas un échange de mails, sinon on appelle plutôt ça du support technique).
Elle nécessite parfois plusieurs séances, car il n’est pas toujours possible d’assimiler toutes les connaissances nécessaires d’un coup, qu’il arrive de passer beaucoup plus de temps que prévu sur certains outils et que de nombreuses questions peuvent naturellement venir à l’usage.
La qualité et l’utilité de la formation dépend beaucoup des conditions dans lesquelles elle est réalisée :
se déroule-t-elle en présentiel ? Selon le niveau de compétences techniques de l’auditoire, cette condition peut être déterminante, même si ce n’est pas toujours possible et que cela représente un coût plus important (en temps, en énergie, en frais de déplacement…)
les personnes concernées (qui vont majoritairement utiliser les outils) sont-elles toutes présentes ?
rencontrons-nous des problèmes techniques ? Accès manquants, comptes pas encore validés / actifs, mots de passe oubliés… Certains peuvent être anticipés, d’autres moins.
les personnes concernées ont-elles la main sur les outils pendant la formation ? C’est important, sans quoi il est garanti qu’il nous faudra une séance de plus au moment où ces personnes vont commencer à travailler avec les outils.
la formation est-elle prévue pour durer suffisamment de temps pour couvrir les sujets essentiels ?
Le contenu de la formation est sur mesure, bien qu’il puisse généralement être adapté à partir de trames existantes selon les logiciels (Nextcloud, Paheko…). Une bonne approche peut consister à lister les habitudes antérieures à la migration des outils, et présenter comment réadapter ces habitudes avec les nouveaux services pour que les membres de la structure reprennent leurs marques en commençant par la réalisation de tâches de gestion courante.
À l’avenir, nous souhaiterions favoriser l’autoformation en proposant des tutoriels simples à suivre en vidéo, qui couvriraient les besoins les plus fréquemment rencontrés, bien qu’il existe déjà du matériel pédagogique à ce sujet sur Internet.
Avec le Bêta, il nous a fallu plusieurs séances pour préparer le déménagement des outils, les présenter, guider sur les usages…
Le 3 juillet, nous nous retrouvions en présentiel pour préparer la migration de leur site web de Wix vers WordPress, créer les comptes et les droits d’accès, et présenter les services dans leur globalité (sans entrer dans le détail des usages).
Le 13 juillet, nous avons participé au séminaire annuel du Bêta (qui se produisait coïncidentiellement en même temps que le camp CHATONS) : il s’agit d’une réunion interne aux membres du Bêta, sur une journée entière, dans une maison de campagne, à laquelle nous étions invité·es pour présenter les outils numériques que nous proposions. Nous y avons présenté Nextcloud, Paheko et WordPress, en anglant la présentation sur des cas d’usage spécifiques à leur structure. À en juger par la réaction enthousiaste du public, nous avons réussi notre Grand Oral !
Le 22 août, après un mois de pause estivale pour le Bêta, nous achevions en leur présence la migration du nom de domaine du Bêta hors de Wix, une opération qui a pris du temps pour des raisons indépendantes de notre volonté : le Bêta a dû créer un compte chez un autre fournisseur de nom de domaine, initier le transfert… et donc, consacrer du temps à la technique.
Le 12 septembre, nous sommes venus sur place pour aider le Bêta à reconfigurer ses boîtes Gmail. Nous les avons aidés à mettre en place un transfert automatique et migrer leurs e-mails chez nous.
Enfin, le 19 septembre, nous les avons guidés en présentiel pour utiliser le service Paheko afin d’envoyer leur newsletter à plusieurs centaines de personnes, et fait le point sur les dernières zones d’ombre qui subsistaient sur l’usage de Nextcloud et WordPress.
Le support, c’est le travail invisible et souvent assez ingrat que nous devons assumer lorsque les structures accompagnées rencontrent des problèmes techniques avec nos services.
Le temps hebdomadaire consacré au support augmentera proportionnellement avec le nombre d’accompagnements et nécessite que quelqu’un soit là pour répondre : si ce problème technique empêche l’accès à nos services, il pourrait paralyser la structure qui en dépend jusqu’à ce que ce problème soit résolu.
Quant au suivi, il n’est pas systématique mais peut être mis en place avec certaines structures.
Sur le court terme (une semaine à deux mois), le suivi consiste à s’assurer que les outils soient utilisés correctement : pas de manière (trop) détournée, ni dangereuse en termes de sécurité, ni utilisés d’une manière glorieusement complexe (si vous saviez…) alors qu’il existe des solutions beaucoup plus simples pour répondre au besoin initial. Il permet de faciliter l’identification de points de blocage que les personnes concernées n’oseraient pas toujours porter à notre connaissance : accès manquants, migration de données difficile, bug caché…
Sur le long terme (ponctuellement, six mois ou un an après), le suivi se résume à reprendre contact avec la structure pour s’assurer qu’elle est satisfaite des outils fournis, et voir si elle exprime de nouveaux besoins auxquels nous pourrions répondre avec les outils existants ou de nouveaux services.
Les accompagnements sont parfois semés d’embûches. Même avec des formations et du présentiel en complément de la mise à disposition des services numériques, le facteur humain ne résout pas tout et peut être même souvent la cause de nombreux problèmes.
Pas le temps : le problème le plus courant, c’est que les structures associatives qu’on accompagne sont complètement débordées par leurs propres activités et n’ont pas de temps à consacrer au numérique : ni au diagnostic, ni à la migration, ni à la formation de ses membres… Même si on organise des sessions de formation pour leurs membres, à quoi bon si personne ne vient ? Cela peut relever d’un manque de considération envers les outils numériques : les bénévoles associatifs ne se sentent pas toujours concerné·es par les changements d’outils, jusqu’au jour où ça les affecte directement.
Les réticences en interne : parfois, une personne de la structure peut s’opposer aux changements, par crainte (légitime) de perdre en confort et de devoir réapprendre à utiliser des outils, et par manque de considération envers les enjeux de protection des données personnelles. Avec notre casquette de prestataire d’hébergement, on estime que ce n’est pas à nous de les convaincre du bien fondé de la démarche de leur structure.
Sur-sollicitation de notre support : on n’a pas encore résolu l’équation de la tarification du support. Pour le moment, on ne fait payer que l’hébergement, mais il est arrivé que nous échangions plus de 50 e-mails avec une structure accompagnée au cours de l’année, mêlant des demandes urgentes à des demandes de conseils sur des sujets annexes, ou des demandes d’ajustement technique des services. Cela nous demande un temps considérable pour y répondre, et nous ne pourrons sans doute pas assumer cette charge si 50 structures font pareil.
Nous sommes ravi·es de concrétiser ce programme d’accompagnement petit à petit, même si de nombreuses ambiguïtés persistent, notamment sur la question de la politique tarifaire − nous aurons l’occasion d’étayer sur ce sujet dans un prochain article.
Être au contact des structures, et en particulier des associations, pour les aider dans leur démarche de dégooglisation, reste une démarche très gratifiante dans l’ensemble : ça nous donne l’impression d’aider des gens à accomplir leurs missions associatives, de mettre notre numérique au service de leurs luttes, pour leur permettre de changer le monde à leur manière.
Malgré cela, nous fonctionnons avec des moyens et une portée extrêmement limités, un impact infiniment moindre par rapport à d’autres structures comme Framasoft, et des perspectives encore fragiles sur le salariat dans notre association, étape qui nous semble de plus en plus indispensable pour garantir aux structures que nous accompagnons que nous serons là pour les aider.
Nous souhaiterions remercier Le Bêta pour son accueil toujours aussi chaleureux, son intérêt (réciproque) pour nos missions, sa coopération et sa disponibilité dans la démarche d’accompagnement expérimentale que nous avons réalisé à leurs côtés.
Par ailleurs, nous remercions également la Maison des Peuples et de la Paix, tiers-lieu qui héberge notre siège social, que nous n’avons pas mentionné jusqu’à présent mais qui a suivi le même programme d’accompagnement que le Bêta à quelques mois d’intervalle et qui nous a pareillement soutenu au cours de nos expérimentations.