Le salariat associatif chez Deuxfleurs
Entretien avec Maximilien de Deuxfleurs
Cliquez ici pour revenir à la liste des entretiens
Entretien avec Maximilien de l’association Deuxfleurs le 27 septembre 2023.
La structure de l’entretien a été conservée, mais de nombreux détails et précisions ont été ajoutés par l’association Deuxfleurs au bénéfice des lecteur·ices.
Pouvez-vous me présenter Deuxfleurs ?
Deuxfleurs est un CHATONS qui existe depuis 3-4 ans, composé d’un noyau assez large de gens qui se connaissent personnellement depuis 5 ou 6 ans. Beaucoup d’entre nous ont fait des études en informatique.
Nous avons comme particularité de faire du développement logiciel, pour avoir des outils distribués et participatifs capables de combler des trous de l’écosystème, ce qui apporte une dimension expérimentale au projet associatif.
Nous essayons de cultiver notre rapport au numérique et répondre aux besoins différemment : voir ce que l’on peut faire sans héberger des serveurs dans des centres de données, avec du matériel grand public… Il y a deux ans, nous avons adopté la devise « fabriquer un internet convivial », et on essaie de faire le maximum pour que tout le monde soit bienvenu.
Au niveau de la répartition des activités de l’association, on tourne autour de moitié de développement et moitié d’hébergement de services et maintenance.
Du côté des finances, notre budget annuel tourne autour de 500 € en 2023, mais s’élevait à 130 000 € en 2021.
Questions sur vous
Depuis quand avez-vous intégré votre structure, et sous quel statut ?
J’ai intégré Deuxfleurs à sa fondation en 2020 en tant que membre du conseil d’administration. Nous étions 9 à l’assemblée constituante.
Combien d’heures par semaine consacrez-vous à votre structure ?
Maintenant, j’y consacre 15 minutes par semaine sur le plan administratif.
À l’époque où nous avions des salarié·es, c’était plutôt une heure par semaine mais c’était très variable.
Questions concernant les salarié·es
Depuis quand votre structure accueille-t-elle des salariés ? Combien en avez-vous maintenant ?
À partir de 2021, nous avons eu 3 personnes en CDD, jusqu’à 2022.
Maintenant, nous avons uniquement des bénévoles.
Que s’est-il passé ?
En 2020-2021, Alex était en thèse et en discutant avec Quentin qui était également thésard dans le même bureau, ils se sont rendu compte que le travail d’Alex sur les arbres de Merkle pouvait être adapté au stockage distribué.
Quentin cherchait depuis longtemps un moyen de distribuer les données des serveurs de Deuxfleurs, qui étaient pour le moment sur un seul site géographique et qui se reposaient sur un logiciel de stockage nommé GlusterFS avec lequel on avait déjà eu quelques frayeurs. C’est comme ça que Garage est né.
Après avoir bouclé leur dossier de thèse, on a entendu parler du fonds NGI Pointer de la commission européenne. En consultant le site, on avait l’impression que « L’internet Nouvelle Génération » pour beaucoup de candidats de ce fond c’était les cryptomonnaies ou les NFT ! On a malgré tout tenté notre chance avec un projet beaucoup moins sexy mais bien plus utile selon nous, Garage.
Après un dossier de subvention de 15 pages, on a obtenu le montant maximal (130 000 €) et on a embauché 3 personnes à temps plein sur Garage pour un an.
Quel est votre modèle économique ?
Pour la période pendant laquelle nous avons eu des salarié·e·s, c’était 100 % subvention : nous étions financé·es par NGI pour trois postes à temps plein sur notre projet Garage à hauteur de 130 000 €, et ça a donné un coup d’accélérateur phénoménal à l’association.
Il y a eu une volonté de continuer dans ce modèle, mais chercher des subventions nécessite un effort considérable et beaucoup de temps, et pour le moment nous ne l’avons pas renouvelé. L’association fonctionnant sans salariés depuis 2023, le modèle économique n’est pas quelque chose de critique pour nous aujourd’hui.
Depuis 2022, l’association pratique le prix libre (15€) pour nos services et accepte les adhésions à l’association (10€) par cooptation. Ces deux sources de revenus ainsi que la générosité occasionnelle de nos donateur·ices suffit à pourvoir à nos maigres frais fixes, ainsi qu’à financer les évènements biannuels de l’association. On se pose la question de mettre en place des contributions différentes pour certains clients proches du monde professionnel, on sonde le collectif en ce moment pour trouver des structures dans notre cas.
À noter qu’Alex, le mainteneur principal du projet Garage, a obtenu une subvention de NLnet pour travailler sur le projet à temps plein sur 2023-2024 en autonomie (en dehors de l’association). Idem pour Quentin, qui travaille sur le serveur mail Aerogramme. Ces deux projets, bien que financièrement indépendants pour leur développement, sont toujours portés par l’association.
En termes d’outils, nous sommes chez Anytime pour le compte en banque, et Homebank pour la comptabilité.
Disposez-vous d’agréments particuliers ?
Non.
Quels types de contrat de travail encadrent l’activité salariée de votre structure (cadre, CDD, CDI, temps plein/partiel, prestation…) ?
On a utilisé des CDD d’un an à temps plein : 35 heures.
Est-ce que cette forme de rémunération vous convient ?
Il y avait deux possibilités : soit tu es à ton compte (auto-entreprise), soit tu fondes ton entreprise (crée ton capital…). Et il y a l’entre-deux, avoir des salariés en association.
On a envisagé de faire de la prestation au nom de l’association, mais à partir du moment où tu commences à faire de la prestation, tu commences à ressembler à une entreprise.
On veut continuer d’être une association, donc notre politique, c’est de réaliser des prestations de service qui soient ciblées, car on ne sert pas tout le monde.
Quelle est la moyenne des salaires (net, brut) ?
Autour de 2 200 € net si mes souvenirs sont bons. Les profils recrutés étant des profils volontaires d’ingénieurs ou de docteurs en informatique, nous étions bien en deçà des prix du marché, même en province.
Avez-vous accueilli des salariés RQTH, et si oui, avez-vous pris des mesures particulières pour les accueillir ?
Non, nous n’avons pas de salariés RQTH.
Questions sur la gestion administrative des salarié·es
Bénéficiez-vous de contrats aidés ou de contrats d’insertion (CUI, CAE) ?
Non.
Utilisez-vous le dispositif « chèque emploi associatif » (CEA) ?
Non. On ne connaissait pas le dispositif, mais ça nous aurait sans doute aidé.
On a fait appel à un cabinet comptable pour gérer les fiches de paie, on en a eu pour une grosse centaine d’euros de prestation par mois.
Avez-vous adhéré à une convention collective ?
Les gens étaient sous Syntec.
Avez-vous une mutuelle ? Laquelle ? Combien vous coûte-t-elle ?
Oui, ça nous a coûté 500 € par trimestre pour 3 employés. On était chez Generali. Ça n’a pas vraiment été une bonne expérience, avec beaucoup de retard dans la mise en place du contrat, et énormément de mal à communiquer avec eux.
Quelle est la part de la mutuelle payée par l’association ?
Je crois que c’était 100 %.
Votre association paye-t-elle une cotisation accidents de travail et maladies professionnelles ? Si oui, combien ?
Si c’était requis, alors c’était dans la fiche de paie.
Votre structure est-elle affiliée à une prévoyance santé ? Si oui, quelle structure et comment procéder ?
Je ne me souviens plus des détails.
Êtes-vous en lien avec un service de prévention et de santé au travail ? À quel coût ?
Les employés ont tous passé une visite médicale chez un médecin du travail.
Y a-t-il des taux particuliers de cotisations sociales liées à votre secteur d’activité ?
Non.
Votre association collecte-t-elle la TVA ? Sinon, bénéficie-t-elle d’exonérations particulières ?
Non.
Votre association paye-t-elle l’impôt sur les sociétés ?
Non.
Votre association paye-t-elle la CFE (Cotisation Foncière des Entreprises), ou la CVAE (Cotisation sur Valeur Ajoutée des Entreprises) ?
Non.
Votre association dispose-t-elle d’un registre du personnel ?
Oui, nous disposions d’un dossier avec l’ensemble des informations.
Êtes-vous en lien avec des opérateurs de compétences (OPCO) ?
Oui, on les a payés, mais je ne sais pas si les salariés en ont bénéficié.
Si vous réalisez des formations ou interventions éducatives, avez-vous envisagé d’obtenir la certification Qualiopi ?
Non.
Est-ce que vous disposez d’un DUERP (Document unique d’évaluation des risques professionnels) ?
Pas à l’heure actuelle, mais nous n’avons aussi plus de salarié·es pour le moment.
Est-ce que j’ai oublié des dispositifs ?
Non, je pense que tu as fait le tour.
Est-ce que la gestion administrative salariée vous semble gérable avec des compétences en interne, sans expertise comptable ou administrative ?
Si on avait su pour le CEA (Chèque Emploi Associatif), on l’aurait utilisé en interne.
Avez-vous une assurance ?
Pas d’assurance.
Questions diverses
Avez-vous des locaux ?
Non, les salariés travaillaient de leur domicile.
Quels conseils donneriez-vous pour une association qui souhaite prendre une première personne salariée ? Des choses à ne pas faire ?
Il doit y avoir une relation de confiance entre le salarié et l’association. Il ne faut pas que ça soit quelqu’un dans le besoin, sinon ça peut mal finir si jamais le salarié dépend financièrement de la continuité de son travail.
Quentin et Alex ont démissionné du conseil d’administration le jour où ils sont devenus salariés, pour éviter toute situation de conflit. Le CA était donc constitué de bénévoles, qui géraient la partie administrative, et les salarié·es étaient libres de s’organiser sur le projet en lui-même.
Que pensez-vous de l’idée d’organiser une campagne de crowdfunding ?
Ça ne nous intéresse pas pour le moment. Nous avons fait une campagne d’appel aux dons par le passé pour commander des illustrations. Mais pour le reste de l’association, nous préférons travailler avec des subventions ou bien simplement nous reposer sur les fonds qui nous parviennent par les contributions des usagers à prix libre.
Vous semble-t-il envisageable de prendre des stagiaires sans avoir de salarié·es ?
Oui, nous avons déjà pris un stage de deuxième année d’école d’ingénieur. Ce sont des stages non rémunérés, encadrés par des volontaires de l’association.
Avez-vous envisagé de recruter des personnes en service civique ?
Non.
Avez-vous signé le contrat d’engagement républicain ? Si oui, bénéficiez-vous de subventions ?
Non on ne l’a pas signé (je ne connais pas ce texte). Dans l’idée, je pense qu’on n’aimerait pas trop le signer, mais je suppose qu’on pourrait le fair s’il n’y a pas d’opposition.
Avez-vous envisagé de contribuer financièrement au collectif CHATONS ?
Oui, on l’a déjà fait, en participant à la bourse du camp CHATONS par exemple.
Comment vos bénévoles et vos salarié·es travaillent-ils ensemble ?
On a eu cette discussion en interne avant l’embauche des salarié·es. Nos salarié·es étaient dédié·es à Garage, et restaient sur leur projet. On a essayé de ne pas se marcher sur les pieds. Il y a eu quelques moments tendus, mais sinon ça s’est bien passé je pense.